Stéphane Martin Président du musée du quai Branly © photo Greg Semu

Le musée du quai Branly a 10 ans par Stéphane Martin, Président du Musée du Quai Branly

Le musée du quai Branly fêtera ses 10 ans en 2016. Quelles sont les raisons de son succès ?

Cette réussite est liée, me semble-t-il, à son ambition première : légitimer des arts et civilisations trop longtemps méprisés et instaurer ainsi un véritable dialogue entre les cultures. Le musée du quai Branly est venu combler un manque, répondre à une attente du public. Sa collection, qui témoigne du génie des civilisations non occidentales, intrigue autant qu’elle fascine. Et pour toucher tous les visiteurs, quels que soient leurs centres d’intérêts et leurs connaissances, nous proposons une large gamme d’expositions, spectacles, événements, sans oublier les conférences, colloques, université populaire… En 10 ans le musée a réussi à imposer un modèle singulier : celui d’un musée universel, d’une « cité culturelle» dédiée aux arts et civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques.

Les expositions temporaires sont toujours variées et parfois surprenantes. Comment effectuez-vous votre programmation ?

Nous privilégions la diversité des approches et des domaines d’exploration : histoire des grandes civilisations, des arts non occidentaux, des imaginaires, mais aussi mise en valeur de la création contemporaine et des collections du musée, en complément du plateau des collections permanentes.

L’objectif est de susciter de nouvelles découvertes et émotions grâce à une programmation éclectique, portée par des personnalités d’horizons et de formations diverses. En 10 ans, nous avons présenté 97 expositions temporaires, conçues par 134 commissaires différents. Plus de la moitié des visiteurs qui passent les portes du musée viennent voir une exposition temporaire. Il est donc indispensable de renouveler nos propositions, de privilégier la multiplicité des regards. Les points de vue et thématiques autour d’une même région du monde peuvent être très divers. Il est à mon sens très important de conserver cette diversité, en proposant des sujets qui relèvent de la culture populaire, tels que Tiki Pop et Tarzan !, ou qui abordent des sujets plus pointus, tels que la céramique Lapita, le chamanisme précolombien ou encore l’art néo-tantrique.

L’architecture de Jean Nouvel contribue au rayonnement du musée. Comment évolue-t-elle ?

Son projet architectural repose sur des vocabulaires non occidentaux, qui renouvellent les codes traditionnels des musées. Il conserve aujourd’hui encore toute son originalité et sa modernité. J’aime qualifier cette architecture d’ «heureuse» tant elle correspond aux attentes et aux usages des équipes et des visiteurs du musée. Dix ans après les débats liés à l’ouverture, il est important de rappeler que les études de public menées depuis l’ouverture du musée démontrent que Jean Nouvel a fait le bon choix muséographique. Aujourd’hui, la plupart des gens ne visitent plus un musée sans avoir en tête des images d’autres cultures, sans avoir vu un documentaire sur des Indiens d’Amazonie, sur les Aborigènes d’Australie ou sur l’histoire de grandes civilisations.

Afin de mieux répondre à ces exigences croissantes, nous avons fait un choix muséographique différent, qui permet d’appréhender autrement la diversité des cultures. Et notre public adhère pleinement à cette proposition.

Depuis son ouverture, quels sont les grands changements au musée du quai Branly ?

De nouveaux espaces ont été créés afin d’enrichir l’offre culturelle et scientifique du musée. Nous avons créé un abri de jardin, en collaboration avec les Ateliers Jean Nouvel, pour améliorer le confort et l’accueil des visiteurs. Deux nouveaux espaces d’expositions ont également été inaugurés au cœur des collections permanentes : l’Atelier Martine Aublet accueille trois fois par an des installations inédites ; la Boîte arts graphiques propose quatre accrochages par an qui permettent de valoriser les collections d’arts graphiques et de photographies conservées au musée, et qui sont parmi les moins connues du public. Afin de faciliter le travail des équipes scientifiques du musée, des chercheurs et des étudiants, nous avons créé une Muséothèque, un espace de consultation des œuvres situé dans les réserves. Le musée s’est également doté de deux nouvelles salles d’anoxie. Cette installation unique au monde nous permet de traiter in situ toutes les œuvres du musée qui sortent ou entrent dans les réserves. Ces nouveaux dispositifs nous permettent de développer notre mission de conservation, d’étude, de mise en valeur et de diffusion des 300000 œuvres et 710000 photographies dont nous avons la garde.

En dix ans, le musée s’est imposé comme un centre de recherche scientifique et d’enseignement reconnu internationalement. Quelle est sa spécificité dans le paysage de la recherche ?

Depuis les années 50, il n’y avait plus de recherche en ethnologie dans les musées français, plus de recherche en lien avec les collections. Le musée a donc souhaité relever un défi d’envergure : rapprocher le monde muséal et celui de la recherche.

En seulement 10 ans, les équipes du musée ont réussi à instaurer une véritable dynamique de recherche et d’enseignement, à mettre en place un réseau d’échanges et de partenariats avec de grandes institutions scientifiques et des établissements d’enseignement supérieur, en France et à l’international. Dans les années à venir, nous souhaitons continuer à faciliter les échanges entre chercheurs et nouer des relations durables avec d’autres institutions, notamment en participant à des «Laboratoires d’Excellence» ou en se rapprochant de certains «Groupements d’intérêts scientifiques», entités collaboratives imaginées par le CNRS. En septembre 2016, un colloque international intitulé «La place des musées d’anthropologie dans le monde de la recherche» sera l’occasion de formuler de nouvelles pistes de réflexion.

Des liens étroits ont également été tissés, au cours de cette décennie, entre le musée et de grandes institutions culturelles internationales.

Quelle est la nature de ces collaborations ?

La participation à un riche réseau de partenaires est au cœur même du projet scientifique et culturel du musée. Depuis sa création en 1998, bien avant son ouverture, nous avons mis en place une politique dynamique de coopération avec les pays d’origine de nos collections, que ce soit sous la forme de formations de professionnels étrangers, appui à la création de musées… Nous poursuivons cette dynamique en favorisant également la circulation des collections et des tournées d’expositions.

Nous sommes la première institution européenne à avoir initié, dès 2009, des relations avec plusieurs musées chinois d’envergure. Et le premier musée à avoir présenté une exposition d’art africain dans un musée national asiatique : Fleuve Congo à Singapour en 2011. Ces collaborations se poursuivent en Corée du Sud, à Taïwan, Tokyo. Tatoueurs, tatoués, grand succès de la saison 2014-2015 au musée, débute sa tournée internationale au Royal Ontario Museum de Toronto en mars 2016, et se poursuivra à Chicago.

Nous disposons également d’une antenne pérenne à l’Intermédiathèque de Tokyo, où les visiteurs peuvent découvrir chaque année une sélection d’œuvres issues de nos collections. Le quai Branly est un musée universel qui poursuit résolument le développement de son rayonnement scientifique et culturel, du centre de Paris vers le monde.

Qui sont les visiteurs du musée ?

La grande majorité d’entre eux sont français, avec une très forte proportion de visiteurs de régions pendant les vacances scolaires. Ma plus grande fierté est le taux de retour de nos visiteurs : plus de la moitié n’en sont pas à leur première visite et 78% d’entre eux disent avoir l’intention de revenir les prochains mois. Le musée du quai Branly tient désormais une place incontestable dans le paysage culturel et scientifique. L’une de ses forces, à mon avis, est de proposer une approche philosophique et idéologique très ouverte, mais également de diversifier la programmation proposée aux visiteurs.

L’indice de satisfaction, stable à 95% depuis 2006, prouve que le musée correspond bien à l’espace d’échanges et de dialogue que le public recherche.

Comment évolue la fréquentation ?

La fréquentation du musée est stable depuis l’ouverture, avec une moyenne de 1,4 million de visiteurs par an. Nous accueillerons notre 14 millionième visiteur au printemps 2016. Nous ne pourrons accroître de façon exponentielle la fréquentation, car les espaces du musée ne peuvent accueillir que 1,7 million de visiteurs par an. Actuellement, nous sommes très proches d’une fréquentation idéale, qui respecte à la fois le confort des visiteurs et ne met pas les œuvres en danger.

Quel est le projet du musée du quai Branly pour les années à venir ?

Depuis son ouverture, une place centrale est accordée aux visiteurs, à leurs besoins, leurs questions, leur imaginaire. Le musée doit rester à l’écoute du public, tout en continuant de le surprendre par la multiplicité des expériences qu’il lui offre. Plus qu’un lieu de visite, il doit être perçu comme un lieu de dialogue et d’apprentissage, un lieu adapté à chacun, que l’on construit et qui nous construit.

Nous désirons aussi échanger davantage avec les institutions culturelles et scientifiques françaises et internationales. Ces engagements seront les lignes de force des années à venir. En ces temps troublés, le musée du quai Branly doit rester plus que jamais un lieu de dialogue et d’ouverture aux autres.

2006-2016 : le musée en quelques chiffres

En 1996, Jacques Chirac, Président de la République, décide de créer un musée dédié aux arts et civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques. En 1999, le projet architectural de Jean Nouvel est retenu.

Le 23 juin 2006, le musée du quai Branly ouvre ses portes au public.

LE BâTIMENT

27700 m² de terrain et 17500 m² de jardin

Un mur végétal de 800 m² composé de 15000 plantes et 150 espèces 5300 m² d’expositions permanentes (plateau des collections)

3620 m² d’expositions temporaires (Galerie jardin, Mezzanine Est, Mezzanine Ouest, Atelier Martine Aublet)

LA COLLECTION

300000 œuvres d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques, parmi lesquelles :

11000 œuvres de la collection Mondialisation historique et contemporaine

92000 œuvres d’Afrique

57000 œuvres d’Asie

33000 œuvres d’Océanie

106000 œuvres des Amériques

710000 photographies

350000 documents (250000 ouvrages et périodiques, 12000 documents audiovisuels, 88000 pièces d’archives)

80000 nouvelles acquisitions d’œuvres et de photographies patrimoniales et contemporaines

LE PLATEAU DES COLLECTIONS

3500 œuvres exposées sur le plateau des collections

Changement de 500 œuvres par an sur le plateau des collections permanentes

105 chefs-d’œuvre au pavillon des Sessions

2006-2016 : le musée en quelques chiffres

LES EXPOSITIONS TEMPORAIRES

97 expositions temporaires, conçues par 134 commissaires différents

35% des commissaires d’expositions temporaires sont des conservateurs du musée et 65% sont des personnalités extérieures, françaises ou étrangères (anthropologues, historiens de l’art, conservateurs, artistes…)

48 expositions présentées à l’international, sur les 5 continents

LES ARTS VIVANTS

108 spectacles (danse, concert, cirque ; traditionnel ou contemporain)

91 salons de musique (danse et concert)

33 masterclass (danse et musique)

LA RECHERCHE ET L’ENSEIGNEMENT

Organisation de 331 Universités populaires, réunissant

382 conférenciers de 31 nationalités différentes, ainsi que 600 manifestations scientifiques (colloques, séminaires, etc.)

Accueil de 77 chercheurs doctorants et post-doctorants français et internationaux

Attribution de 51 bourses de recherche doctorale avec la Fondation Martine Aublet, de 19 bourses pour l’étude des collections, et de 13 prix de thèse

Accueil de 800 étudiants et auditeurs libres chaque année, pour 800 heures d’enseignement annuel

Les éditions

129 éditions (beaux livres, guides, jeunesse, catalogues, Gradhiva…)

22 revues de Gradhiva

5 revues Aesthetica (coédition musée du quai Branly /Rue d’Ulm (ENS)

Le musée toute l’année

LES VISITES

Pour accompagner les visiteurs dans la découverte des collections permanentes, des expositions temporaires, du jardin ou de l’architecture du musée, une large gamme de visites leur est proposée. Chacun peut choisir son escale !

Les visites contées

Les visiteurs embarquent pour un voyage imaginaire en compagnie d’un conteur, et vibrent au son des mythes et légendes du monde.

Les récits des conteurs les accompagnent dans la visite des collections, selon les thématiques géographiques : Afrique, Amériques, Asie, Méditerranée : de Marrakech à Ispahan, Océanie (en famille, dès 6 ans).

Envie de parcourir les quatre continents ?

Un voyage en famille Autour du monde, avec les plus petits (en famille, de 3 à 5 ans).

Et cette saison, une invitation à explorer en contes les expositions Chamanes et divinités de l’Équateur précolombien et MATAHOATA, Arts et société aux îles Marquises (en famille, dès 6 ans).

Les visites guidées

Accompagné d’un conférencier, le musée se découvre selon les envies de ses visiteurs, pour une première approche des collections (visite de Découverte) ou l’exploration d’une thématique précise (visites Le Monde et ses origines, Métissages, Visions du beau, Différences).

En famille, ils partent dans les collections à la découverte des arts et cultures d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques : les visites La Piste des animaux, Le Secret du masque, Chacun ses goûts et

Les Sens en éveil abordent les œuvres et cultures présentées au musée sur un mode ludique et interactif (en famille, avec enfants de 3 à 5 ans ou dès 6 ans selon les thèmes).

Et pour les accompagner dans leur découverte des expositions temporaires, des visites leur sont proposées pour l’ensemble de notre offre.

LES ATELIERS

Une série d’aventures à partager, associant découverte culturelle, pratique artistique et visites dans les collections du musée. Pour explorer le musée en créant.

Les ateliers en famille

Résoudre des énigmes, enquêter sur un objet, manipuler des matériaux, s’initier aux musiques du monde… Les activités proposées en famille sont adaptées à chaque âge :

• De 3 à 5 ans : Objet magique, La Pluie et Plume de chef

• De 6 à 8 ans : Au cœur des masques, Peindre le rêve et Haka

• De 9 à 12 ans : Mission archéo, Destination : musiques et Les Experts quai Branly

Les ateliers sans les parents

Carnet à dessin et paire de jumelles en poche, les enfants de 6 à 12 ans explorent sans leurs parents, les collections avec l’atelier À l’aventure !

Un anniversaire au musée

Entre culture et jeu, les ateliers d’anniversaires pour enfants sont l’occasion d’expérimenter entre amis une recette magique du Congo (Objet magique), une fameuse danse de Nouvelle-Zélande (Haka), la création d’une marionnette fantastique (Poupées secrètes) ou quelques secrets des quatre continents (Charms).

Les visites-ateliers pour adultes

Un samedi par mois, nos guides accompagnent les visiteurs dans les collections du musée, pour participer à une séance de découverte culturelle ou artistique. Cette année, ils embarquent pour l’Australie, le Mali et la Nouvelle-Zélande.

LES OUTILS DE VISITES

Aides précieuses à la visite individuelle, nos différents outils permettent de créer son propre parcours dans les collections permanentes et les expositions temporaires.

Les audioguides

À travers une sélection d’objets commentés, de musique, d’images, de vidéos ou de contes, les visiteurs explorent les collections (parcours en français, en anglais, en allemand, en italien et en espagnol) et l’exposition temporaire MATAHOATA, Arts et société aux îles Marquises (parcours en français et en anglais).

Les applications

L’application Musée en musique, ludique et innovante, plonge le visiteur dans l’univers des instruments du musée du quai Branly grâce à de nombreux jeux interactifs (en téléchargement gratuit sur Google Play ou prêt d’un téléphone sur place au musée).

Accessibles en LSF, les applications Les Experts quai Branly sont disponibles sur place, à destination des familles (sur iPad).

Applications réalisées grâce au mécénat de la Fondation Orange et de la Fondation France Télévisions.

Les guides d’exploration et les livrets-jeux

Pour parcourir le musée, seul ou en famille, avec le Guide d’exploration des collections (adultes) et Mon p’tit guide d’exploration (enfants), disponibles en plusieurs langues. Des livrets-jeux sont également proposés dans certaines expositions temporaires, pour une approche ludique de la visite.

Disponibles gratuitement à l’accueil du musée et en téléchargement gratuit sur www.quaibranly.fr

Musée du Quai Branly

37 Quai Branly

75343 Paris cedex 07

Téléphone 01 56 61 70 00

Télécopie 01 56 61 70 01

www.quaibranly.fr