Affaire Argentine contre /Sempra: état de nécessité et excès de pouvoir manifeste

Sempra c. Argentine a été un cas très débattu.

La décision récente de la République argentine concerne une demande d’annulation de la sentence arbitrale rendue le 29 Juin 2010, laquelle n’est pas une exception.

En fait, cette décision était au centre du débat depuis un certain temps.

Le Comité a constaté que la sentence doit être annulée dans son intégralité sur la base de l’excès manifeste des pouvoirs (article 52 (1) (b) de la Convention du CIRDI) en ce qui concerne la non-application de l’article XI de la France-Argentine BIT.

L’approche de l’état de Necessité et le rôle du droit coutumier international ont été d’une grande importance dans la décision finale.

Les bases de l’affaire et quelques-uns des arguments les plus pertinents de la décision sont importants à considérer.

Contexte de l’affaire

En 1989, l’Argentine  présente un programme de privatisation en vue de revitaliser son économie et de mettre fin à une crise économique en cours.

Un aspect important de ce programme a été l’introduction d’un cadre juridique et réglementaire par le biais de la loi sur la convertibilité,introduit en 1991, avec un décret d’application, fixant le peso argentin (ARS) pour le dollar américain (USD)au taux de change de un pour un.

En 1991, l’industrie du gaz naturel est restructurée, et la Commission appartenant au gouvernement-entreprise Gas del Estado privatisée.

Un certain nombre d’entreprises ont été formées dans le but de distribuer du gaz aux utilisateurs résidentiels et commerciaux.

Sempra  investi dans deux de ces entreprises de gaz par l’acquisition d’une participation indirecte dans Sodigas Pam-peana et Sodigas, sur des actions, et sont les détenteurs des deux sociétés argentines auxquelles avaient été accordées des licences pour la distribution du gaz.

En Décembre 2001, une crise financière  éclate en Argentine, et dans la période 2001-2002,
le gouvernement de l’Argentine   entreprend un certain nombre de mesures qui, de l’avis de Sempra, constitue une abrogation de gros, de la répudiation des droits importants, des droits dans les licences et d’autres droits en vertu de l’environnement réglementaire qui  créé dans le cadre du programme de privatisation argentin.

Essentiellement, ces droits mettent en cause le preneur de licence, le droit au calcul des tarifs en USD et leur ajustement semi-annuel sur la base de l’indice américain des prix à la production (PPI).

En Janvier 2002, une loi d’urgence est adoptée, le système de caisse d’émission  abrogé, l’économie argentine  pacifiée (y compris les accords de service public et de licences ) tous les contrats et les relations alors passés en force ont été, selon la loi d’urgence, adaptées au nouveau contexte.

Le Tribunal et le prix

Sur la base des circonstances évoquées ci-dessus, Sempra  dépose, le 11 Septembre 2002, une demande d’arbitrage en vertu de la Convention du CIRDI, invoquant le Traité bilatéral d’investissement entre les États-Unis et l’Argentine.

Le 31 Décembre 2003, l’Argentine  dépose des exceptions au Centre de juridiction avec compétence du Tribunal.

Le 11 mai 2005, le Tribunal  rend sa décision sur la compétence, dans laquelle elle  juge que le litige releve de la compétence du Centre de Juridiction et des compétences du Tribunal.

Une phase de fond dans l’arbitrage suivi, et la sentence sur le fond sera renvoyée aux Parties le 28 septembre 2007.

Dans la sentence, il a été jugé que l’Argentine n’avait pas respecté la norme juste et équitable ainsi que la clause parapluie de l’APPI.

Le Tribunal a jugé que les mesures prises par l’Argentine avaient sans aucun doute sensiblement modifié le cadre juridique et des affaires dans lesquelles l’investissement avait été décidé, mis en œuvre et en tant que conséquence, la norme du traitement juste et équitable de l’accord bilatéral avait été violé.

Sur ces bases, Sempra a reçu des dommages-intérêts.

L’annulation

Le 25 Janvier 2008 l’Argentine  demande l’annulation (tout en restant dans l’application) de la sentence.

Dans son application, l’Argentine  demande l’annulation de la sentence de quatre des cinq motifs énoncés à l’article 52 (1)du CIRDI Convention, en particulier en faisant valoir que (I), le Tribunal n’a pas été proprement constitué; (II ), le Tribunal a manifestement excédé ses pouvoirs; (III) Il y a eu une dérogation grave à une règle fondamentale de la procédure, et (IV) le prix avait omis d’indiquer les motifs sur lesquels elle était fondée.

Plusieurs questions ont été examinées par le Comité, mais la décision a été portée sur le terrain de l’excès de pouvoir manifeste.

Le point principal de l’analyse a été la relation établie entre l’article XI de l’accord bilatéral (état de nécessité dans le cadre du BIT) et l’article 25 de la CDI sur la responsabilité des Etats pour fait internationalement illicite (état de nécessité en vertu du droit international coutumier).

Le Tribunal a conclu ceci: l »Article XI n’est pas auto-jugement et que le contrôle judiciaire ne se limite pas à son égard à l’examen de savoir si son invocation, ou les mesures adoptées, ont été prises de bonne foi.

Le contrôle judiciaire doit être une question de fond, et déterminer si les exigences en vertu du droit coutumier ou du traité ont été remplies et peut donc exclure l’illicéité.

Puisque le Tribunal a constaté ci-dessus que la crise invoquée ne répond pas à la loi coutumière les exigences de l’article 25 des Statuts de la responsabilité des Etats, il conclut que la nécessité ou l’urgence n’est pas conducteur dans le cas de l’exclusion de l’illicéité, et qu’il n’est pas nécessaire de procéder à un nouvel examen judiciaire en vertu de l’article XI, dans la mesure où cet article ne prévoit pas de conditions différentes du droit coutumier :

Le Comité suppose un raisonnement très différent:

Premièrement, le Comité a admis qu’il peut être opportun d’examiner le droit coutumier comme un guide pour l’interprétation des termes utilisés dans le TBI.

Cependant, il ne s’ensuit pas que le droit CustoMary (Droit Coutumier) établit une liaison dans la « définition de la nécessité et les conditions pour son fonctionnement» (en l’occurrence, l’article 25 des Statuts ILC).

Bien que certaines normes du droit coutumier sont impératives (jus cogens), d’autres ne le sont pas, et les États peuvent contracter autrement.

Deuxièmement, le Comité a conclu que l’article XI de l’accord bilatéral est diffèrent dans les aspects matériels de l’article 25.

Elle a indiqué qu’il était clair à partir d’une comparaison des deux articles que l’article 25 n’a pas offert un guide à l’interprétation des termes utilisés dans l’article XI.

Tout au plus pourrait-on dire que certains mots ou expressions sont les mêmes ou similaires.

Le Comité a présenté l’analyse suivante: « l’article 25 porte sur l’invocation par un Etat partie de nécessité» comme motif d’exclusion de l’illicéité d’un fait non conforme à une obligation internationale de cet Etat ».

L’article 25 suppose que l’acte qui a été commis est incompatible avec les obligations internationales des Etats et est donc » illicite « .

Article XI, d’autre part, prévoit que « Le présent traité ne doit pas empêcher » certaines mesures de sorte que, lorsque l’article XI s’applique, la prise de telles mesures n’est pas incompatible avec l’Etat « les obligations internationales » et n’est donc pas« illicite».

L’article 25 et l’article XI se trouvent donc face à des situations différentes.

L’article 25 ne peut donc être utilisé pour «définir la nécessité et les conditions de son opération» aux fins de l’interprétation de l’article XI, et encore moins de le faire en tant que norme impérative du droit international.

« Troisièmement, le Comité a conclu que l’invocation d’un état de necessité aux termes d’un traité bilatéral nécessaire ne doit pas être nécessairement soustrait pour être «légitimé» par une «règle» du droit international.

En fait, il peut y avoir aucune règle régissant ces questions.

Quatrièmement, le Comité a souligné que, même si il peut y avoir certaines normes du droit international, y compris le droit coutumier, en vertu du droit international que les États s’engagent à adopter une disposition en contradiction avec ces normes, ce n’est pas le cas.

En bref, le jus cogens n’exige pas des parties à un traité bilatéral d’investissement de renoncer à la possibilité d’invoquer une défense de nécessité dans n’importe quelles conditions, elles peuvent convenir.

Le Comité a indiqué que «même si c’est le cas que« le droit international n’est pas un corps morcelé dans la mesure où les principes de base sont concernés « , il ne s’ensuit pas, soit: (I) que« la nécessité ne fait aucun doute un de ces principes fondamentaux :

« C’est dans ce sens qu’il doit être interprété et appliqué exactement de la même manière dans toutes les circonstances, ou (ii) que le droit international devient «fragmenté» si le contrat en dispose autrement « .

Cinquièmement, le Comité a examiné lors de l’analyse des deux articles qu’il y a une question précédente: si il y a illicéité.

Le Comité a indiqué qu’il est vrai que le BIT ne prévoit pas ce qui consiste à déterminer si les mesures en question sont ou ont été «nécessaires», mais si les mesures en question sont correctement jugées «nécessaires» ,alors il n’y a pas eu violation de cette obligation conventionnelle.

Le Comité a conclu que le Tribunal avait omis d’exercer son contrôle sur la base que la norme juridique applicable se trouve à l’article XI de l’accord bilatéral, et que cet échec constituait un excès de pouvoir manifeste au sein de la Convention du CIRDI.

Commentaire

Cette affaire a soulevé des questions très intéressantes et bien d’autres se retrouveront.

Par exemple, qu’est-ce que «nécessité» signifie dans le contexte de l’arbitrage d’investissement ?

Lorsque le droit CustoMary (Droit Coutumier) ne s’applique pas, comment est effectuée l’analyse factuelle sur la nécessité si les parties ne fournissent pas un moyen de le faire à l’avance? Qu’est ce qui est inclus dans le projet du BIT : l’état de nécessité dans la clause après cette décision ? Qu’est-ce qui doit être fait avec les clauses qui sont déjà en vigueur? Certes, cette décision va relancer le débat sur l’équilibre entre la protection de l’investissement pour les États exportateurs d’investissement et de la possibilité pour les Etats importateurs d’investissement d’agir en vertu de la Necessité, qui est une question vitale pour le succès de l’investissement système d’arbitrage.

RVS.